16 Jan 2025
Olivier
Internet est souvent décrit comme un réseau mondial, tissant sa toile partout sur la planète. Les serveurs hébergeant le web demeurent toutefois très mal distribué entre les pays, et même entre les continents.
Des décennies après ses débuts en Amérique du Nord, l’infrastructure, l’administration et les profits liés au web y restent fortement concentrés. L’Europe jouit d’une position plutôt enviable, mais de vastes régions de la planète restent très mal desservies. Des continents comme l’Asie et l’Afrique souffrent de profonds retards, et demeurent très mal intégrées au réseau mondial.
Dans cet article, nous vous présenterons différentes données et statistiques illustrant la distribution actuelle des ressources et des revenus liés au numérique. Nous aborderons de quelle manière se manifeste ce déséquilibre entre les continents vis-à-vis du web.
Vous pourrez ainsi mieux comprendre de quelle manière l’Occident, et surtout les États-Unis, maintiennent leur emprise sur internet, malgré sa croissance continue.
Internet a énormément évolué depuis le développement du World Wide Web en 1989-90. Le réseau qui a fait son apparition au États-Unis, c’est rapidement répandu en Europe puis dans le reste du monde. Sa toile englobe aujourd’hui tous les pays et territoires autonomes de la planète.
Cet immense réseau continue de reposer sur un ensemble de serveurs, concentrés dans des milliers de centres de données à travers le monde. En 2024, l’industrie mondiale de l’hébergement web a représenté un marché 159,9 milliards de dollars américain. Sur ce, 57,74 milliards sont exclusivement associés au marché américain! C’est plus de 36% de tous les revenus mondiaux de l’industrie.
Le réseau internet a vu le jour au États-Unis, et il reste fortement concentré dans ce pays d’Amérique du Nord. Selon les données de W3techs, plus de 32,8% des sites web actifs en janvier 2025 sont hébergés aux USA. Cette statistique grimpe à plus de 43,8% parmi le million de sites web les plus visités.
Seul 10 pays hébergent 2% ou plus de tous les sites web, selon W3techs. Les États-Unis domine nettement avec une part de marché de 32.8%.
La domination américaine sur le web s’étend bien au-delà de ses frontières. Un grand nombre des centres de données à travers le monde sont la propriété d’hébergeurs américains. Par exemple, AWS à elle seule compte plus de 100 datacenters. Microsoft en a pour sa part plus de 300, tandis que Google en a 43.
Ces installations sont réparties à travers le monde, et sont donc comptabilisées dans les statistiques locales des pays où elles se trouvent. Leur présence dans certaine région du globe vient donc dissimuler statistiquement la quasi-inexistence d’hébergeurs web locaux. Même en Inde, qui compte de nombreux hébergeurs locaux, AWS est le premier hébergeur sur le marché.
Le continent européen échappe partiellement à l’hégémonie américaine sur le web. D’importants hébergeurs locaux comme l’allemand IONOS et le français OVHCloud dominent leur marché locaux depuis des années. L’hébergeur lithuanien à rabais Hostinger se démarque également par sa croissance rapide et son marketing agressif.
L’Europe assume donc pleinement la place qui lui revient, dans l’univers numérique. Elle demeure sous-représentée, par rapport à l’Amérique du Nord, mais est nettement mieux desservie que les autres continents de la planète en matière d’hébergement web.
L’Allemagne se démarque particulièrement, avec la seconde place de l’industrie en termes de nombres de sites hébergés. Le pays accueille ainsi plus de 14% de tous les sites web. C’est plus du double de ce qu’héberge le Japon, en 3e place avec 6,1%. La France se classe pour sa part en 4e place, avec 5,3% de tous les sites.
La distribution des revenus est toutefois un peu différente de celle des sites, sur le continent européen. Le Royaume-Uni se démarque particulièrement, avec une industrie de l’hébergement web particulièrement rentable. Le pays se hisse au 2e rang mondial en termes de revenus liés au secteur d’activité, avec profits de plus de 10,5 milliards de dollars américains. Il se classe pourtant 7e en termes de sites hébergés, arrivant derrière la Russie avec 3,2% de part de marché.
L’industrie allemande, pour sa part, est fortement concentrée sur l’hébergement mutualisé, qui se caractérise par des prix plus bas. Elle encaisse donc des profits inférieurs (environ 8,44 milliards de dollars) même si elle héberge 4 fois plus de sites web.
L’Asie est actuellement de très loin le continent le plus peuplé du monde, avec plus de 4,8 millions d’habitants. Cela représente 58,9% de l’ensemble de la population mondiale L’Afrique arrive en seconde place avec 1,5 milliards d’habitants, ce qui équivaut à 18,6% de l’humanité.
À titre de comparaison, l’Europe arrive en 3e place avec 745 millions d’habitants (9,1%), et l’Amérique du Nord en 5e place avec 385,3 millions (4,75), derrière l’Amérique Latine. Malgré cette disproportion, l’infrastructure et les revenus du web demeurent fortement concentrés en Occident.
Selon le registre de Datacenter Map, l’Asie compte actuellement 1043 centres de données. Parmi ceux-ci, 377 sont en Chine, 248 en Inde et 169 au Japon. C’est peu pour un telle population. Ca représente 1 datacenter pour 4,6 millions d’habitants.
L’Afrique est toutefois nettement plus mal desservie encore, avec seulement 151 centre de données sur l’ensemble du continent. C’est à peine plus d’un datacenter pour 10 millions d’habitants!
En comparaison, l’Europe compte 2063 centres de données, soit un pour chaque 361 000 habitants. L’Amérique du Nord est encore mieux desservi avec 3311 datacenters, soit un pour chaque 116 000 habitants!
Il faut noter qu’un centre de données compte en moyenne un peu plus de 100 000 serveurs. Comme la moyenne nord-américaine est encore plus élevée, le continent compte un peu plus d’un serveur web par habitant! En Europe, l’équilibre est légèrement différent, avec un serveur web pour chaque 3,6 habitants.
Le reste du monde est toutefois nettement moins bien couvert. Un serveur en Asie dessert plus de 46 personnes, et un opérant en Afrique en sert 100 en moyenne. Cela représente entre 1 et 3% de nombre de serveur par habitant de ce que l’on trouve en Amérique du Nord.
Les statistiques ci-dessus illustre déjà le net déséquilibre entre les différents continents en termes d’infrastructure web. Elles ignorent toutefois une réalité que nous avons déjà évoqué. Plusieurs datacenters situé en Afrique ou en Asie, appartiennent à des entreprises américaines.
AWS possède 10 datacenters en Asie et 3 en Afrique. Microsoft Azure en compte pour sa part 11 en Asie et un seul en Afrique, alors que Google en compte 13 en Asie et un en Afrique. De nombreux autres hébergeurs américains possèdent ainsi des centres de données à travers le monde.
La mainmise des entreprises américaines sur internet s’étend donc loin au-delà des frontières. Il n’est donc pas étonnant qu’une aussi grande part des revenus de l’industrie retournent aux États-Unis.
Les 3 plus grands hébergeurs web au monde depuis des années sont tous américains. GoDaddy, Google et Amazon continue de dominer l’industrie, et leur part du marché tend même à augmenter. La mainmise des géants américains ne devrait donc pas être menacée dans un avenir proche.
Comme nous l’avons vu, l’infrastructure nécessaire pour alimenter le web reste fortement concentrée en Occident, et principalement aux États-Unis. La réalité est encore plus déséquilibrée quand on porte attention aux revenus de l’industrie.
Les 4 premiers pays (États-Unis, Royaume-Uni, Japon et Allemagne) représentent à eux seuls plus de la moitié des revenus mondiaux liés à l’hébergement web. Ils hébergent aussi plus de 55% de tous les sites web. Ces états comptent pourtant pour seulement 7.64% de la population mondiale.
Les États-Unis sont en tête avec 112,05 millions de sites hébergés. Ce nombre leur mérite, de loin, la première place mondiale de l’industrie de l’hébergement web. Le Royaume-Uni arrive en second avec 18,16 millions de sites, suivi par l’Allemagne avec 17,89 millions. La France tire son épingle du jeu, en hébergeant 5,3% de tous les sites.
Seul la Chine se démarque comme une exception hors de l’Occident. Le pays se hisse au 6e rang mondial au niveau des revenus liés à l’hébergement web, alors qu’il est 17e en termes de nombre de sites hébergés.
Le pays n’héberge que 1,3% de tous les sites web, ce qui le place derrière le Canada. Certaines plateformes énormes comme Alibaba, Wish et Temu contribuent toutefois à rendre son industrie très lucrative.
Selon les données de W3Tech, AWS alimente plus de 5,8% de tous les sites web ayant un hébergeur identifiable. Cette part de marché le place en première position de tous les hébergeurs mondiaux. Il se hisse ainsi devant Shopify (4,3%) et toutes les entreprises du groupe Newfold Digital combinée (3,8%), dont Bluehost et HostGator.
AWS n’offre toutefois pas d’ébergement mutualisé, VPS ou d’autres formules peu dispendieuses. Il n’offre que des solutions Cloud et haut de gamme, hébergeant des plateformes comme Netflix, Disney +, Instagram et Twitch.
Sur le million de sites Web les plus visités d’internet, 262 643 sont hébergés par AWS. C’est plus de 26,26% des plus grandes marquent qui se tournent vers Amazon. Le géant américain domine d’ailleurs plusieurs marchés hors des États-Unis, dont l’Inde,
AWS domine donc le marché de l’hébergement web Cloud avec une part de marché de 31%. Elle se hisse devant Microsoft et son service Azure (24%) et Google Cloud (11%)
Au niveau des revenus liés à l’hébergement web, cette approche élitiste permet à AWS de s’accaparer la part du lion. Selon Statista, AWS met la main sur plus de 33,6% de tous les revenus de l’industrie. Et ce, pour héberger seulement 5,8% de tous les sites!
La disproportion entre le nombre de sites hébergés et les revenus est donc très marquée. Elle n’est toutefois pas unique à AWS, mais est plutôt commune aux géants américains du Cloud.
Google Cloud héberge un peu plus de 1,8% des tous les sites web, mais revendique plus de 9,4% des profits de l’industrie. Il parvient à ces résultats en hébergeant des plateformes importantes, comme eBay, Paypal ou Facebook.
La mainmise de l’Occident sur le web est donc en partie dû à la concentration des sites les plus importants dans ces pays. La majorité des sites les plus visités qui ne le sont pas directement, utilisent le réseau de diffusion de contenu Cloudflare. C’est donc tout de même une entreprise américaine qui rend leur site accessible en ligne.
Même si internet est un espace numérique relativement indépendant, il n’échappe pas à l’emprise de nombreuses législations et réglementations. Pour assurer le bon fonctionnement du réseau et la sécurité des internautes, différentes organisation sont donc chargées de sa surveillance et de sa gestion.
L’organisation la plus importante Société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet, plus connue sous l’abréviation ICANN. Elle est chargée de nombreuses fonctions essentielles, y compris de désigner les gestionnaires des divers registres officiels pour les noms de domaines. Cette autorité incontournable est basée à Playa Vista, en Californie.
L’ICANN a choisit les autorités chargées de tenir les registres associés aux différentes extensions de domaines. Les registres associés aux extensions génériques les plus populaires ont ainsi été attribué à d’autres organisations américaines.
La société Verisign, basée à Reston en Virginie, s’est ainsi vu attribuée la gestion de plusieurs extensions importantes. Elle tient ainsi les registres officiels pour les domaines .com, .net, .name, .cc, et .tv, en plus de gérer les back-end des domaines .edu et .job.
Les domaines .org ont pour leur part été retiré à Verisign en 2033 pour être attribués à Public Interest Registry. Cette société, qui gère aussi les extensions .ngo et .ong, est également basée à Reston, en Virginie.
Seuls les registres des TLD géographiques sont donc administrés par des organisations situées hors des États-Unis. C’est notamment le cas des domaines .fr, gérés par l’Association française pour le nommage Internet en coopération (ou AFNIC), ou des .ca qui sont gérés par l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet.
Plus de trois décennies après son émergence, internet a étendu sa toile jusque dans le recoin les plus reculés de la planète. L’infrastructure et l’administration du web demeurent pourtant fortement concentrés sur les continents nord-américains et européens.
L’Asie et l’Afrique, qui sont de loin les continents les plus peuplés du monde, demeurent sous-représentés sur le web. Les infrastructure d’hébergement y sont moins développés qu’ailleurs, et aucune des autorités derrière internet n’y est basé.
Il n’est donc pas étonnant que la majorité des sites web demeurent hébergés en Amérique du Nord et en Europe. Cette réalité fait que les profits liés au web sont également fortement concentrés en Occident, aux dépends du reste du monde.
Nous espérons que cet article vous a plus et vous a éclairé sur la répartition du web entre les divers pays et continent. Si c’est le cas, nous vous invitons à consulter nos autres articles et comparatifs de notre blog. Vous y trouverez les informations les plus récentes sur l’industrie l’hébergement et sur la création de sites web.