Le conflit opposant WP Engine à Automattic et son PDG se retrouve désormais devant les tribunaux américains. Les deux partis se sont présentés le 26 novembre au palais de justice fédéral du district nord de la Californie, à San Francisco, pour y faire valoir leurs arguments.
WP Engine accuse le PDG d’Automattic et co-créateur de WordPress, Matt Mullenweg, de tentative d’extorsion de millions de dollars en droits de licence de marque.
L’hébergeur web dit que son utilisation de la marque WordPress est un usage légitime. L’entreprise base son argument sur le fait que le CMS WordPress est “open source” (libre de droit) et gratuit.
De nombreux autres entreprises utilisent aussi le nom WordPress sur leurs sites, ou même dans le nom de leurs outils. Certains noms sont d’ailleurs presque identiques et mèneraient sans doute à des poursuites autour des droits de marques de commerce, si ce n’était de l’élément “open-source”.
On peut notamment penser à WordPress Manager, développer par Softaculous, dont le nom a été pratiquement copié par les développeurs de cPanel. Ces derniers ont récemment renommé leur WP Toolkit, du nom WordPress Management. Ces nom quasi-identiques peuvent porter à confusion, mais n’ont menés à aucune poursuite.
WP Engine a donc présenté sa version du conflit devant le tribunal. L’entreprise soutenu que Matt Mullenweg, avait tenté d’extorqué des dizaines de millions de dollars pour l’utilisation de la marque de commerce WordPress. WP Engine espère ainsi obtenir une injonction pour empêcher M. Mullenweg et Automattic d’interférer avec ses opérations.
Un conflit majeur lié à l’utilisation de la marque de commerce WordPress
Pour mieux comprendre pourquoi WP Engine et Automattic se retrouvent devant les tribunaux, il est nécessaire de remettre le conflit dans son contexte. Pour ce faire, regardons un bref résumé de l’histoire de WordPress en tant que marque de commerce.
Matt Mullenweg était à l’origine propriétaire du code source et de la marque de commerce de WordPress. C’est dû au fait qu’il est l’un des deux créateurs du CMS. Mullenweg s’est départi des droits exclusifs sur la marque de commerce WordPress en 2010. Le code source et les droits avaient alors été transférés à la fondation à but non lucratif WordPress.org.
Depuis plusieurs années, Matt Mullenweg dirige aussi Automattic, dont il est le PDG. Cette entreprise possède et exploite plusieurs autres entreprises à but lucratif qui opèrent dans l’écosystème WordPress (dont WordPress.com). Ces filiales rivalisent d’ailleurs directement avec WP Engine, ce qui place Automattic en position de conflit d’intérêts.
Automattic a déclaré que l’utilisation de la marque WordPress par WP Engine confond les clients. Ceux-ci “peuvent croire que WP Engine fait partie de WordPress”. En réalité, WP Engine était bel et bien l’un des contributeurs officiels et reconnus de WordPress depuis plusieurs années. Les accusations de Mullenweg étaient d’ailleurs à l’origine basées sur l’ampleur de cette contribution, mais semble avoir évoluées.
La demande d’injonction de WP Engine contre Automattic qui est présentée devant les tribunaux
L’audience préliminaire qui s’est tenue mardi concernait une demande d’injonction déposée par WP Engine. Rachel Kassabian, l’avocate de l’hébergeur, a déclaré qu’Automattic avait lancé les hostilités à la fin de septembre.
Dans sa plainte, WP Engine affirme qu’Automattic leur a fait des demandes financières déraisonnables. L’entreprise de Mullenweg leur aurait envoyé un ultimatum inattendu, leur accordant cinq heures pour payer les droits de licence de plusieurs millions de dollars.
La demande était accompagnée de la menace d’être empêchée d’utiliser les services essentiels dont WP Engine a besoin pour servir ses clients. Lorsqu’elle n’a pas payé les frais, Automattic a bloqué l’accès de WP Engine à WordPress.org. Cette mesure a soudainement causer des problèmes à des milliers de sites web de ses clients.
L’entreprise de Mullenweg s’était alors engagée dans une « guerre nucléaire » autoproclamée contre WP Engine. Cette mesure serait survenu suite au fait que l’hébergeur ait hésité à payer le prix pour une licence de marque de commerce dont elle estimait ne pas avoir besoin.
WP Engine prétend que son utilisation de la marque WordPress est un usage équitable puisque la technologie WordPress est open source et gratuite. L’entreprise se base sur le fait qu’en 2010, Automattic a transféré le code source de WordPress et la marque. Ce transfert avait alors pour but de s’assurer que le nom était totalement indépendant de toute entreprise.
Selon WP Engine, la demande de paiement d’Automattic est donc injustifiée. L’hébergeur demande donc aux tribunaux d’empêcher Automattic et son PDG d’entraver ses opérations et de salir sa réputation.
Des versions contradictoires du conflit opposant Automattic à WP Engine
La juge de district des É.-U. Araceli Martinez-Olguin, a demandé à Kassabian quel droit WP Engine avait d’utiliser la marque WordPress sans payer de redevance de licence.
Kassabian a déclaré que WP Engine utilise la marque déposée WordPress depuis 15 ans. D’après elle, ce usage est protégé par les règles entourant l’utilisation équitable.
« Dans le dossier, nous avons l’utilisation de longue date de la marque sans aucun effort pour faire appliquer ou même une plainte de quelque nature que ce soit », a-t-elle déclaré.
Entre le 20 et le 25 septembre, Kassabian a déclaré que Mullenweg avait à plusieurs reprises diffamé WP Engine dans des messages en ligne. Elle a rappelé que le PDG d’Automattic avait déclaré que WP Engine était un «cancer pour WordPress», portant atteinte à la réputation de l’hébergeur.
« Vous regardez le dossier, nous voyons que pendant 15 ans WP Engine a fait un usage nominatif équitable de la marque WordPress, comme l’a fait toute la communauté pendant 15 ans, sans même une tape sur l’épaule. Rien du tout jusqu’au matin du 20 septembre, quand nous recevons cet accord de licence bizarre d’une page. Ce n’est pas ainsi que fonctionnent les propriétaires de marques, ce n’est pas ainsi qu’on protège et qu’on renforce sa marque », a déclaré Rachel Kassabian.
Kassabian a dit que Mullenweg avait personnellement proposé le prix de plusieurs millions de dollars pour la licence. Ce dernier aurait spécifiquement fixé le prix si haut parce qu’il savait que WP Engine avait les fonds pour le payer.
Automattic se défend et contrattaque
Bien sûr, l’avocate d’Automattic, Anna Shaw, a contredit la version des fait présentée par WP Engine. Elle a déclaré que la plainte de l’hébergeur web manquait de crédibilité.
« Je pense qu’il est remarquable que, la veille du dépôt de leur plainte, les demandeurs ont fait un travail de nettoyage sur leur site Web pour supprimer de nombreuses références aux marques WordPress et WooCommerce, y compris des références qui apparaissaient dans les noms de produits. Ce qui constitue une violation de la politique sur les marques de commerce de WordPress », a déclaré M. Shaw.
Shaw a insisté auprès de la juge que la décision en faveur de WP Engine ouvre une pente glissante.
« Essentiellement, toute lettre de demande envoyée par un titulaire de marque pourrait être considérée comme une demande d’extorsion si le destinataire n’est pas d’accord avec les mérites de cette demande », a déclaré M. Shaw.
Shaw a également soutenu que WP Engine devait démontrer qu’elle avait un droit préexistant d’utiliser la marque de commerce WordPress. Selon elle, l’entreprise ne peut invoquer aucun contrat, ni aucune autre obligation ou accord afin de prouver qu’elle avait ce droit.
Les pertes subies par WP Engine seraient importantes et constantes
Le blocage de l’accès aux ressources de WordPress et la diffamation subie par WP Engine auraient causer d’importantes financières. C’est du moins ce qu’a fait valoir l’avocate de l’entreprise, afin de justifier la demande d’injonction.
Rachel Kassabian a déclaré que WP Enginge avait dû recourir à des solutions de contournement pour continuer à fournir son service aux clients. Selon elle, l’entreprise subit des pertes continues de clients, de parts de marché, de réputation et plus encore.
« Je pense que les preuves sont accablantes sur la causalité », a déclaré M. Kassabian.
L’entreprise n’a présenté aucun chiffre permettant d’évaluer l’ampleur des pertes subies. Plusieurs évaluations faites par des tiers laissent toutefois entendre que celles-ci se chiffrent en dizaines de millions de dollars américains.
La demande de WP Engine déclarée “justifiée” mais “trop vague”
À la fin de l’audience, la juge Martinez-Olguin a déclaré qu’elle était encline à accorder un certain type d’injonction. Elle a ajouté que la demande de protection des opérations de WP Engine visant à empêcher Automattic et Mullenweg d’interférer avec son accès aux ressources WordPress était trop vague.
Kassabian répond qu’elle serait heureuse de réduire la demande de répit et qu’elle présentera une proposition plus restreinte. Celles-ci devait être produite au cours des jours suivants, en raison de l’urgence de la question. La juge Martinez-Olguin a, pour sa part, donné jusqu’au 2 décembre, à WP Engine, pour le faire.
Les propos de la juge suggère qu’elle n’a pas été convaincu par la défense d’Automattic. Il est donc fort probable que WP Engine se voit bientôt accordé une injonction plus précise et limitée. Celle-ci devrait sans doute lui garantir, du moins temporairement, l’accès aux ressources de WordPress.org.
Pour conclure sur le conflit WP Engine et Automattic devant les tribunaux
Cette demande d’injonction de WP Engine contre Automattic et son PDG n’est que la première apparition des deux partis devant les tribunaux. Les deux entreprises devraient également s’affronter à nouveau à quelques reprises au cours des prochains mois, en lien avec différentes requêtes.
Ce premier affrontement semble clairement être allé à l’avantage de WP Engine. Les entraves à ses opérations et la diffamation que l’hébergeur a subi n’étaient pas justifiés au yeux de la juge.
Nous espérons que cet article vous a plu et vous a éclairé sur ce premier affrontement entre WP Engine et Automattic devant les tribunaux. Si c’est le cas, nous vous enjoignons à consulter nos autres articles.
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