15 Juin 2015
Ben
Le microcosme du web français suit avec un grand intérêt le débat sur le projet de loi renseignement qui a lieu à l’Assemblée nationale. Les hébergeurs français ont déjà prévenu le gouvernement qu’ils pourront aller s’installer ailleurs si les députés votent cette loi. Or, dans la nuit du 15 au 16 avril 2015, la Chambre basse a adopté cette loi si controversée.
Afin de mener plus efficacement la lutte contre les terroristes qui utilisent Internet pour faire leur propagande, le gouvernement Valls a élaboré le projet de loi sur le Renseignement. Les attentats de janvier dernier ont encore plus exacerbé les velléités sécuritaires du gouvernement. Dans ce cadre, il prévoit d’installer des boites noires sur les réseaux des hébergeurs et des opérateurs Internet dans le but de détecter toute menace terroriste. Sept des hébergeurs nationaux ont déjà menacé de quitter la France si ce projet de loi est adopté. Il s’agit en particulier des géants Gandi et OVH ainsi que du pionnier de l’hébergement dans l’hexagone, à savoir Altern.
Lorsqu’il a rencontré ces hébergeurs, le gouvernement leur a donné des « engagements concrets » en ce qui concerne la protection des données personnelles ainsi que de l’utilisation limité dans le temps de l’algorithme destiné à analyser les données de connexion de leurs clientèles. Si pour le moment, les autres hébergeurs n’ont pas encore décidé de quitter la France, l’hébergeur historique Altern a cessé temporairement ses activités dans l’Hexagone afin de lui permettre de déménager dans un pays à l’étranger. Un message laconique est d’ailleurs visible sur le site d’Altern, expliquant son refus du « contrôle sur les télécommunications ». La société y déplore d’ailleurs les atteintes à la vie privée sur le web et sa volonté de faire respecter le droit à la liberté d’expression.
Même si le gouvernement a suggéré de placer un amendement afin que les hébergeurs soient assurés de l’invraisemblance d’une intrusion massive des autorités sur les contenus, cela semble ne pas avoir convaincu Valentin Lacambre, le fondateur d’Altern. La société est en quête d’un paradis informationnel afin d’accueillir ses clients qui l’ont choisi pour le niveau de confidentialité qu’elle offre. Finalement, Altern va s’installer en Norvège et il n’est pas certain que les autres ne lui emboîtent pas le pas dans les mois à venir.
Altern est le premier hébergeur à s’installer en France en 1999. Considéré comme un hébergeur « social et solidaire », il accueillait à ses débuts environ 30 000 sites. Des démêlés juridiques l’ont obligé à cesser ses activités en 2000. Aujourd’hui, Altern héberge entre 200 et 300 portails Internet, avec plusieurs dizaines de milliers de comptes courrier électronique à gérer. La crainte des autorités françaises est de voir les autres hébergeurs suivre ses traces et s’exiler ailleurs en Europe.